Acteurs, partenaires, bénéficiaires
« La mission de l'Evaluation
Indépendante du Développement de la
BAD est d'améliorer l'efficacité
et l'efficience de nos
interventions dans les pays
africains grâce à nos
évaluations. »
Évaluatrice générale par intérim de la Banque Africaine de Développement (BAD)
« S'agissant d'un partenaire bilatéral
comme l'AFD, il y a également un enjeu de redevabilité. 85 % de l'effort budgétaire de l'État se concentrant sur la méditerranée et l'Afrique, nous devons faire davantage d'évaluations là où l'État concentre
l'immense majorité de ses moyens »
Directeur exécutif de l'Innovation Recherche et Savoirs à l'AFD
Projet d'Appui au Secteur
de la Santé au Tchad (PASST)
Placer les bénéficiaires au cœur
de la démarche évaluative
Après dix ans de coopération avec le Ministère Tchadien de la santé, l'AFD a souhaité réaliser l'évaluation rétrospective de deux phases du Projet d'Appui au Secteur de la Santé lancé en 2009 (PASST 1 et 2), la seconde étant toujours en exécution lors de l'évaluation. Elles ciblaient plusieurs priorités du Ministère, dont le renforcement des ressources humaines, l'offre et la demande en santé maternelle et infantile.
Compte tenu des enjeux d'apprentissage, le choix a été fait de réaliser une évaluation en interne (avec l'appui d'un consultant extérieur) et de développer une approche méthodologique orientée vers "l'appréciation des changements".
Des focus-group et des interviews pour appréhender les changements
Au-delà de l'analyse documentaire et des données sanitaires issues des enquêtes ménages, et de la réalisation d'entretiens individuels, la collecte de données s'est articulée autour de six focus-group où les acteurs ont proposé leurs visions des changements observés, contribuant ainsi directement à l'analyse évaluative.
L'originalité de la démarche est d'inverser le sens de l'analyse. Il s'agit d'évaluer les changements intervenus chez les acteurs du projet – que cela corresponde ou non aux résultats visés – puis d'analyser dans quelle mesure le projet y a éventuellement contribué.
Des changements dans l'accès et la qualité des soins
L'analyse des données issues des Enquêtes Démographiques et de Santé, entre 2010-2014, dans les régions de N'Djamena et du Logone Occidental, montre une augmentation de la couverture en soins de santé (planification familiale, accouchements assistés, césariennes). Pour ce qui est de l'utilisation de méthodes de contraception moderne, elle fait un bond important dans le Logone en passant d'un niveau quasiment nul en 2010 à 10,5% de femmes en 2014, à la fin du PASST1. Ces changements, objectivés par les données statistiques, sont également corroborés par les données qualitatives issues des entretiens et focus-group qui soulignent un changement de pratiques chez les sages-femmes, qui prennent le temps du dialogue sur les méthodes de planification familiale et leurs risques, tout en laissant un espace pour les questionnements de la femme.
Les évaluateurs ne peuvent cependant pas affirmer que l'augmentation de l'utilisation des méthodes contraceptives et des consultations prénatales est directement attribuable au financement des activités du PASST, mais le programme y a certainement contribué.
« Avant les formations, les sages-femmes n'avaient plus de mots pour nous accueillir, maintenant elles nous accueillent vraiment. »
Une bénéficiaire
d'un centre de santé urbain
En chiffres
interviews
réalisées
focus group organisés sur des thématiques différentes
1 avec les bénéficiaires,
1 avec des agents communautaires,
1 avec les ONG opérateurs du projet sur la gouvernance,
2 avec le personnel de santé,
1 avec le ministère de la santé
de femmes utilisant des méthodes de contraception modernes à la fin du PASST1 en 2014 dans le Logone
Focus méthodologique sur l'appréciation des changements
L'évaluation a porté essentiellement sur trois principales dimensions : le pilotage du projet ; le renforcement des capacités des organisations, la formation et gestion des ressources humaines du ministère de la santé publique ; et les actions visant le renforcement de l'offre et de la demande de services de santé pour la mère et l'enfant. Ainsi, pour chacune de ces dimensions, l'évaluation s'est attachée à constater « ce qui avait changé » et pourquoi.
Enfin, le financement d'un projet s'inscrivant dans un contexte sanitaire, politique, économique qui joue, même indirectement, sur sa mise en œuvre, il a été proposé de croiser les changements perçus dans les différentes dimensions avec l'évolution du contexte national tchadien. L'ensemble de ces données a été systématiquement triangulé. Les évaluateurs ont ainsi croisé i) une interview des responsables du projet à l'AFD sur la gouvernance et le suivi du projet, avec ii) les constats issus du focus group sur la « gouvernance du projet », et iii) leur analyse des documents de suivi du projet (rapports annuels d'activité).
« La démarche participative et l'organisation des focus-group ont été très nouvelles et appréciées. Elles ont permis aux partenaires du projet PASST d'être acteurs de l'analyse et des conclusions, d'apprendre et de s'auto-évaluer. »
Coordonnateur du projet PASST
Fonds Commun Santé Niger
Une approche collective pour
améliorer la santé au Niger
Au Niger, où le secteur de la santé souffre d'un sous-financement structurel, un fonds multi-bailleurs, le Fonds Commun en Santé, a été créé en 2006 à l'initiative du Ministère de la santé publique avec l'appui initial de l'AFD et de la Banque Mondiale. Il regroupe aujourd'hui 6 bailleurs et a mobilisé 91,3 millions d'euros entre 2015 et 2019, période couverte par l'évaluation.
Le Fonds vise à contribuer à l'amélioration de l'état de santé de la population, en particulier des femmes et des enfants, en appuyant la mise en œuvre du Plan de Développement Sanitaire (PDS) du pays. Il a pour ambition, en canalisant les ressources des partenaires du Fonds sur les priorités, lignes et procédures du ministère -conformément aux principes de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide – de soutenir la capacité de l'Etat à délivrer des services de santé dans l'ensemble du pays.
L'évaluation du mode de fonctionnement du Fonds et de ses effets a adopté une méthodologie résolument participative, impliquant les acteurs du ministère aux niveaux central et déconcentré ainsi que l'ensemble des partenaires du Fonds. Ses enseignements ont nourri la conception de la 4ème tranche d'appui de l'AFD au Fonds.
Un instrument de financement efficient et stabilisateur dans un contexte d'insécurité
L'évaluation a montré que la pertinence du Fonds s'était renforcée avec le temps car il a su adapter ses modalités de gestion aux souhaits de certains partenaires de cibler leurs financements sur des activités prioritaires du PDS tout en respectant les principes de l'alignement de l'aide. Il a permis de renforcer le dialogue stratégique entre le ministère et ses partenaires, même si la coordination entre ces derniers doit encore être améliorée.
Autre constat très positif, le Fonds est un mécanisme de gestion particulièrement efficient et la qualité de sa gestion fiduciaire est saluée, comme en atteste le triplement des budgets en 2018-2019 comparé aux périodes antérieures. Il a mis en place des procédures claires et appropriées par tous et a permis un renforcement des capacités de gestion du ministère. Enfin, il constitue le seul « partenaire » sûr et prévisible des directions régionales de la santé qui leur permette de financer leurs plans annuels d'activité.
Des faiblesses en matière de planification, de suivi et d'évaluation
L'évaluation pointe cependant des faiblesses importantes du Fonds au niveau du suivi des financements, des réalisations et des résultats, qui empêchent notamment de mesurer l'efficacité des actions ciblées par le Fonds. Plus globalement, elle souligne les constats répétés sur le caractère trop ascendant de la planification du PDS et sur la faible qualité de son dispositif de suivi/évaluation.
« Nous avons apprécié la méthodologie déployée, qui a permis une évaluation conjointe et le développement, ensemble, de pistes de solutions. Elle a identifié les questions fondamentales vers lesquelles les efforts devraient être orientés pour une meilleure efficacité du Fonds Commun Santé. »
Cedric Ndizeye,
Consultant à la Banque Mondiale
« L'évaluation du Fonds pilotée par l'AFD a montré des résultats globalement très positifs. Les conclusions de cette étude renforcent la confiance des partenaires techniques et financiers vis-à-vis du Ministère de la santé publique »
Secrétaire général du Ministère de la santé publique et Coordonnateur
stratégique du Fonds Commun Santé
« L'approche utilisée par le consultant lors des ateliers de travail a réellement favorisé l'engagement des parties dans les discussions et dans la formulation des propositions. »
Secrétaire des partenaires
techniques et financiers / Fonds Commun Santé
Outils de collecte et
de représentation des données
au service des opérations
L'imagerie satellitaire est utilisée par l'AFD depuis quelques années pour renforcer l'évaluation des impacts de certains de ses projets.
Déployer des outils innovants
pour mieux rendre compte
Indispensables pour suivre et évaluer les projets, les données sur leur mise en œuvre sont parfois complexes à recueillir en cas de difficultés à se rendre dans certains lieux.
Illustration de cette réalité, l'accentuation de la crise au Sahel et son élargissement à des zones de plus en plus étendues, empêchent les équipes opérationnelles de se déplacer dans plusieurs sites d'intervention des projets.
Pour concilier continuité de l'instruction, du pilotage et du suivi des projets et contraintes sécuritaires, l'AFD développe depuis plusieurs années des méthodes et des outils innovants qui permettent de recueillir des données à distance en lien avec les opérationnels.
« Donner à voir » l'état d'avancement des projets
Parmi les outils utilisés tels que le suivi satellitaire ou les mécanismes de remontée des plaintes par les bénéficiaires des projets, la collecte de données mobiles est la méthode la plus répandue au sein de l'AFD. Elle consiste à doter les responsables du suivi-évaluation des projets de téléphones mobiles ou de tablettes pour collecter les données du projet qui sont transmises instantanément sur une plateforme numérique.
Au sein de l'Alliance Sahel, un travail collaboratif entre les partenaires techniques et financiers visant à partager la géolocalisation des projets de chacun a été impulsé par la Banque mondiale afin d'améliorer la coordination inter-bailleurs. La Banque mondiale utilisait la plateforme KoboToolbox, gratuite et sans besoin d'accès à internet lors de la collecte, pour cartographier son portefeuille d'activités. Elle a donc promu cet outil et formé les autres bailleurs.
L'AFD a décidé de s'aligner sur cette pratique en sensibilisant et formant ses équipes à cet outil. Les outils de collecte de données mobiles permettent la digitalisation des questionnaires, la géolocalisation des données, la prise de photos, le traitement et la visualisation des données recueillies en temps réels. En se connectant à la plateforme, chaque membre de l'équipe projet peut avoir accès à l'état d'avancement des réalisations en continu. Grace à cet outil, il est notamment possible de s'assurer de la véracité des données collectées, de cartographier très précisément les activités de l'AFD sur le terrain, et de répondre à la demande exponentielle de redevabilité des projets dans le contexte dégradé du Sahel. Parallèlement, le département Evaluation et apprentissage a soutenu les directions régionales Sahel et Golfe de Guinée dans la création, l'alimentation et l'exploitation de bases de données projets qui recensent les activités menées dans ces zones. Ces bases de données, et leur exploitation cartographique, ont permis aux équipes projet de mieux rendre compte de leurs opérations sur le terrain.
« Le Sahel est l'une des zones d'intervention prioritaire de la France, et concentre des investissements croissants. Pour répondre aux défis multiples qui traversent le Sahel, l'AFD développe un pilotage davantage axé sur les résultats. »
Crédits photos
PASST : Gabriel FOUOKALBO KADA via sa structure Maya's prod.
Fonds Commun Santé Niger : Gret
Graphisme : Luciole
Karen Rot-Münstermann & Thomas Mélonio
Quels sont les objectifs prioritaires des évaluations dans vos institutions respectives ?
KRM_ La mission de l'Évaluation Indépendante du Développement (IDEV(1)) de la Banque africaine de développement (BAD) est d'améliorer l'efficacité et l'efficience de nos interventions dans les pays africains grâce à nos évaluations. En mettant en exergue les facteurs de succès et d'échecs des projets, elles génèrent des enseignements indispensables aux projets futurs.
L'utilité des évaluations est donc essentielle pour nous. Nous essayons de les concevoir en fonction des besoins des bénéficiaires et des parties prenantes, que l'IDEV implique dès la phase de conception de l'évaluation et tout au long du processus, pour qu'ils s'approprient les conclusions et les recommandations formulées.
À titre d'exemple, dans le cadre de notre évaluation d'impact des projets d'irrigation au Malawi, nous avons organisé un atelier d'apprentissage à l'intention des fonctionnaires du gouvernement. Ils se sont engagés à renforcer leur capacité à améliorer la conception des projets et à remédier aux défauts relevés.
TM_ J'appuie tout ce qui a été dit sur l'importance de l'utilité des évaluations et du partage des conclusions avec les partenaires au Sud qui sont directement concernés.
S'agissant d'un partenaire bilatéral comme l'AFD, il y a également un enjeu de redevabilité. 85 % de l'effort budgétaire de l'État se concentrant sur la méditerranée et l'Afrique, nous devons faire davantage d'évaluations là où l'État concentre l'immense majorité de ses moyens.
Il en résulte une double redevabilité vis-à-vis des populations des territoires dans lesquels nous mettons en œuvre des financements et des citoyens français dont de facto nous gérons l'argent. Nous y répondons notamment depuis trois ans en publiant la totalité de nos évaluations de projets et des évaluations à champ large.
L'utilisation des nouvelles technologies est-elle un enjeu pour l'évaluation dans vos institutions ?
KRM_ Depuis le début de la pandémie, IDEV a dû recourir aux données de collecte mobile et aux consultants locaux pour mener à bien les évaluations. Concernant les images satellitaires, nous les avons utilisées à l'occasion de l'évaluation d'impact d'un projet d'électricité au Kenya. Sous réserve de la capacité technique des équipes à utiliser cette nouvelle technologie, les données satellitaires constituent un élément de preuve supplémentaire précieux pour valider d'autres sources de données.
TM_ Afin de répondre aux demandes de nos partenaires dans les pays en développement pour des produits high tech utilisables pour l'instruction, le suivi et aussi l'évaluation des projets, nous avons investi dans l'utilisation de l'imagerie et de l'intelligence artificielle. La technologie permet de démultiplier la capacité d'analyse des évaluateurs et d'obtenir des évaluations plus convaincantes et davantage de preuves des réalisations et, éventuellement, des impacts obtenus. Nous avons utilisé cette technologie dans l'évaluation d'impact de la déforestation dans le bassin du Congo, et continueront de le faire pour ce type d'évaluations scientifiques d'impact qui constituent un élément important de notre stratégie d'évaluation.
Disposez-vous de programmes de renforcement de l'évaluation en tant qu'élément de la gouvernance de vos contreparties ?
KRM_ La promotion d'une culture de l'évaluation constitue la troisième partie de notre mandat – outre la redevabilité et l'apprentissage. Nous avons donc un programme de développement des capacités de planifier, conduire, diffuser et utiliser les évaluations, tant au sein de la BAD que dans les pays africains.
En termes d'offre, nous soutenons une initiative des gouvernements de six pays africains(2) qui collaborent pour renforcer leurs systèmes nationaux de suivi-évaluation.
Côté demande, nous soutenons le réseau des parlementaires africains pour l'évaluation du développement(3) pour renforcer leurs capacités à utiliser les évaluations dans leur rôle de contrôle de budget, de législation, etc.
TM_ L'AFD va soutenir, en partenariat avec l'OIT, le renforcement de plusieurs Instituts Nationaux de la Statistique (INS) sur la collecte de données sur l'emploi des jeunes en Afrique, de manière à pouvoir établir des situations de référence précises et ensuite procéder à des évaluations de l'impact des projets qui bénéficient de notre appui financier.
Parallèlement, notre projet MédiaSahel(4) vise à encourager la diffusion d'informations fiables et de qualité, notamment pour mettre en débat les politiques publiques et leurs résultats. En permettant de donner un certain écho aux évaluations et de les faire entrer dans le débat public, MédiaSahel constitue un élément de bonne gouvernance.
1. IDEV : https://idev.afdb.org/fr
2. Twende Mbele : https://twendembele.org/
3. APNODE : http://idev.afdb.org/fr/page/page-parente/reseau-des-parlementaires-africains-pour-levaluation-du-developpement-apnode
4. MédiaSahel : https://www.afd.fr/fr/actualites/au-sahel-un-projet-pour-reconnecter-les-medias-avec-la-jeunesse
Définition
Au-delà des principes sur l'efficacité de l'aide, la Déclaration de Paris (2005) présente une feuille de route pratique et orientée vers l'action pour améliorer la qualité de l'aide et son impact sur le développement. Elle met en place une série de mesures spécifiques de mises en oeuvre et établit un système de suivi pour évaluer les progrès et garantir que les donneurs et receveurs se tiennent des comptes pour leur engagements. La Déclaration de Paris met en avant les cinq principes fondamentaux suivants pour rendre l'aide plus efficace :
1. Appropriation
Les pays en développement définissent leurs propres stratégies de réduction de la pauvreté, améliorent leurs institutions et luttent contre la corruption.
2. Alignement
Les pays donneurs s'alignent sur ces objectifs et s'appuient sur les systèmes locaux.
3. Harmonisation
Les pays donneurs se concertent, simplifient les procédures et partagent l'information pour éviter les doublons.
4. Résultats
Les pays en développement se concentrent sur les résultats souhaités et leur évaluation.
5. Redevabilité mutuelle
Les donneurs et les partenaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement.
Extraits de : https://www.oecd.org/fr/developpement/efficacite/declarationdeparissurlefficacitedelaide.htm
Coordonnateur du projet PASST
Qu'avez-vous pensé de la démarche évaluative employée ?
La démarche participative et l'organisation des focus-group ont été très nouvelles et appréciées. Elles ont permis aux partenaires du projet PASST d'être acteurs de l'analyse et des conclusions, d'apprendre et de s'auto-évaluer. Quand l'évaluation vient du terrain et qu'elle a notamment rassemblé organisations de la société civile, bénéficiaires, Ministère de la santé, elle est plus légitime selon moi, plus qualitative.
Comment l'évaluation a-t-elle favorisé un changement dans la manière de piloter le PASST d'après vous ?
Je retiens des conclusions de l'évaluation, l'importance du dialogue pour pallier aux faiblesses de synergie entre les parties prenantes relevées dans l'étude. Malgré la présence de six opérateurs dans la même région, unis par un même cadre logique, il y avait peu de coordination et peu de discussion entre eux dans la mise en œuvre du projet. A l'issue de l'évaluation, nous avons créé des réunions de coordination entre opérateurs dans les régions et nous avons constaté que cela permet de gagner du temps et de favoriser la mutualisation de certaines activités et des ressources.
Un autre changement relève de la plateforme de dialogue sur la santé Sexuelle et Reproductive et la santé Maternelle et Infantile qui existait avant l'évaluation mais n'était pas assez fonctionnelle. Après l'évaluation, elle a pris de l'ampleur et est devenue plus opérationnelle. Un décret a permis de la replacer sous la direction générale du Ministère de la santé, ce qui a favorisé son institutionnalisation et attiré plus de partenaires, en particulier des acteurs non étatiques.
Le PASST est l'enfant du Ministère de la santé. L'évaluation a tracé des sillons. Elle nous a réveillés pour que nous mettions certaines recommandations en œuvre.
Le Ministère de la santé publique a été un partenaire majeur de l'AFD au Tchad ; quel conseil auriez-vous pour rendre les évaluations plus utiles ?
Il faut faire en sorte que les évaluations soient plus régulières, pour contrer la perte de mémoire ou l'oubli (éloignement des souvenirs) des participants sur les activités des projets. Je préconiserais de les mener de manière aussi plus anthropologique, de les axer sur le côté social, et de multiplier les focus-group avec les bénéficiaires notamment. Savoir comment identifier les bénéficiaires de manière à obtenir des échantillons plus représentatifs de la population est important pour minimiser les biais de l'information. Enfin, la présence d'une expertise socio-anthropologique sur le thème du projet dans l'équipe d'évaluation me semble très importante.
Secrétaire général du Ministère de la
santé publique et Coordonnateur
stratégique du Fonds Commun Santé
Pour assurer une mise en œuvre coordonnée des Plans de Développement Sanitaire successifs visant à contribuer à la promotion du bien-être social de la population nigérienne, le Ministère de la Santé Publique, de concert avec les partenaires techniques et financiers du secteur, a créé un fonds commun de donateurs en 2005, rendu fonctionnel en 2006. Ce dispositif a pour objectif de favoriser l'alignement des actions des partenaires sur les priorités nationales, l'harmonisation des interventions des partenaires, ainsi que la prévisibilité et la stabilité de l'aide internationale disponible.
L'évaluation du Fonds pilotée par l'AFD a montré des résultats globalement très positifs. Les conclusions de cette étude renforcent la confiance des partenaires techniques et financiers vis-à-vis du Ministère de la santé publique et m'amènent à inciter à nouveau l'ensemble des partenaires à adhérer à ce Fonds, qui constitue une fierté nationale au bénéfice des populations.
Si l'évaluation relève des résultats tangibles, elle mentionne également des points d'amélioration. Le Fonds Commun Santé nécessite davantage d'ajustement à travers le renforcement de certains domaines très importants, parmi lesquels la communication, les aspects programmatiques, le suivi et l'évaluation.
En effet, pour convaincre les partenaires techniques et financiers et les autres acteurs, il nous paraît essentiel de mettre un accent particulier sur la visibilité des actions du Fonds commun et de valoriser les résultats obtenus au regard des ressources mobilisées.
En outre, compte tenu de l'envergure que le Fonds est en train de prendre, il me semble que le montage actuel pourrait être revu afin de consolider les acquis et maintenir la performance du Fonds. Dans cette perspective, les fonctions du Secrétaire Général du Ministère de la santé publique (trop chargé et trop sollicité) devraient être dissociées de celle de Coordonnateur Stratégique. La réorganisation de l'organigramme du Fonds Commun Santé permettrait de rétablir toute sa structure fonctionnelle et hiérarchique et ainsi, d'accroître son efficacité.
Secrétaire des partenaires
techniques et financiers / Fonds Commun Santé
En quoi cette évaluation est-elle différente des autres selon vous ?
Je pense que les questions posées et la méthodologie empruntée sont assez classiques d'une évaluation. Cependant, l'approche utilisée par le consultant lors des ateliers de travail a réellement favorisé l'engagement des parties dans les discussions et dans la formulation des propositions. Celles-ci ont vraiment émané des participants et non pas du consultant. Pour ces raisons, l'évaluation a été très appréciée.
Quelle est sa valeur ajoutée ?
Il me semble qu'il y en a au moins trois. Cette évaluation a permis d'une part de combler le manque de visibilité du Fonds Commun Santé et d'autre part de mieux faire comprendre à certains partenaires techniques et financiers en quoi consiste exactement le Fonds, son mode de fonctionnement. Parallèlement, l'étude a mis en exergue la flexibilité du Fonds Commun qui a intégré des projets de bailleurs qui respectent les principes fondamentaux de la Déclaration de Paris (harmonisation et alignement sur les procédures et systèmes du Ministère de la santé publique) sans pour autant respecter celui de la fongibilité des fonds puisque leurs financements peuvent être ciblés. C'est le cas notamment de l'AFD qui a un projet d'appui au Fonds qui respecte la fongibilité et un autre géré par le Fonds qui cible une thématique spécifique (genre et population). Enfin, le choix d'une démarche participative avec le ministère de la santé publique (surtout les Directions régionales de la santé) est une autre de ses valeurs ajoutées.
D'après vous, quels impacts ou transformations du Fonds Commun Santé l'évaluation pourrait-elle apporter ?
L'évaluation a eu le mérite de générer des discussions et surtout de souligner des faiblesses à améliorer, notamment la nécessité de renforcer l'implication du Fonds Commun sur la planification et le suivi évaluation. Elle a parfaitement identifié les résultats positifs et les difficultés et a formulé des recommandations très précises qui ont été approuvées par le ministère de la santé publique et les partenaires techniques et financiers. Elles préconisent à ces derniers de réfléchir ensemble à l'évolution du Fonds : faut-il conserver le format actuel ? Doit-on privilégier une unité de gestion distincte, voire même une agence d'exécution hors Ministère de la santé publique ? Autant de questions que l'évaluation soulève dans une perspective d'amélioration.
Chargée de mission Sahel / AFD
Pourquoi la Cellule Grand Sahel a-t-elle besoin d'avoir recours à des cartes régulièrement ?
Le Sahel est l'une des zones d'intervention prioritaire de la France, et concentre des investissements croissants (480 M€ octroyés en 2020 sur le G5 Sahel – Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad -, dont plus de la moitié en subventions). Pour répondre aux défis multiples qui traversent le Sahel (sécuritaires, climatiques, économiques, sociaux et politiques), l'AFD développe un pilotage davantage axé sur les résultats. L'équipe Sahel a donc mis en place une palette d'outils pour faciliter la remontée d'information et la localisation précise des réalisations. Cette localisation à une échelle fine, à partir d'une base de données recensant chaque activité des projets, vise à la fois un pilotage opérationnel des activités et une redevabilité accrue de nos engagements, par la production de cartes et de données statistiques.
Comment êtes-vous montés en compétences sur la collecte et la représentation des données ?
La montée en compétences de l'équipe Sahel est un travail au long cours. Ce chantier a été impulsé par les bureaux locaux, soumis à une forte demande de redevabilité, avant de s'étendre à toute l'équipe Sahel. D'abord le fait de compétences et d'appétences individuelles, la collecte et la représentation des données ont ensuite été facilitées par l'appui des équipes du département Evaluation et apprentissage sur des outils spécifiques (formation à Kobo ToolBox pour la collecte de données ; à QGIS pour leur représentation). En 2020, pour faire face à une activité croissante en matière de cartographie, l'équipe Sahel a bénéficié d'un appui externe : cette prestation a permis la formation des équipes du siège et des bureaux locaux à l'outil QGIS, un travail conséquent sur la base de données régionale pour l'amélioration de sa performance, et une réflexion partagée pour faciliter la mise en place d'une filière cartographie et base de données.