L'évaluation au service des
Les Banques publiques de développement sont des
partenaires privilégiés en matière d’aide au
développement. Évaluer les interventions en faveur
de ces acteurs permet à l’AFD de mieux comprendre
comment faire fructifier la collaboration avec ces
institutions en vue de l’atteinte des Objectifs de
développement durables (ODD).
vers l’atteinte des objectifs
de développement durable
L’appui de l’AFD aux Banques publiques de développement (BPD) s’inscrit de plus en plus dans la perspective d’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Plus que de simples contreparties, les BPD sont en effet, de par leur statut, des partenaires privilégiés pour favoriser ces objectifs.
Elles peuvent notamment participer à corriger les défaillances de marché ou contribuer à créer et structurer de nouveaux marchés favorables aux ODD dans leurs zones d’intervention. Nouer progressivement des partenariats de long terme avec ces institutions, via des financements complétés par des collaborations dans le cadre de réseaux d’échange tel que l’International Development Finance Club (IDFC), permet d’accroître l’effet de levier de l’AFD sur ces objectifs.
Le travail de capitalisation réalisé sur 6 BPD a permis d’illustrer cette logique d’intervention, notamment dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Ainsi, sur les douze projets évalués, cinq visaient explicitement des objectifs liés au climat : l’appui à BDMG (Brésil) (à travers le soutien aux municipalités pour l’identification et le financement de projets ayant un effet positif sur le climat), l’intervention auprès de BNDES (Brésil) (à travers le financement de projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique), les deux projets successifs auprès de FMV (Pérou) (développement d’un portefeuille dédié au logement durable), et l’appui à PT-SMI (Indonésie) (promotion des énergies renouvelables et des investissements « verts »).
Des effets structurants pour l’intégration des enjeux climatiques
Les évaluations montrent que les interventions de l’AFD ont eu certains effets structurants, sur la capacité de plusieurs banques partenaires à intégrer les enjeux climatiques dans leurs projets. Ces effets structurants sont le résultat d’un double accompagnement pour appuyer le développement de leur approche en matières environnementales et sociales, et soutenir l’émergence d’une offre financière de ces banques à destination de secteurs émergents. Ces interventions ont conduit, dans certains cas, à un changement de culture plus profond au sein de la banque pour prendre en compte des enjeux de développement durable (cas de la BDMG). Elles ont également favorisé le développement de nouveaux marchés (logement durable pour FMV). L’AFD a enfin pu contribuer, dans une certaine mesure, à accompagner l’évolution stratégique de ses contreparties vers une prise en considération croissante du développement durable (PT-SMI, BOAD).
En chiffres
des projets en faveur des
BPD contribuent à un ou
plusieurs ODD
des projets de l’AFD en faveur
des BPD contribuent à la lutte
contre le changement climatique
Focus : Banque de développement local de l’État
du Minas Gerais (BDMG, Brésil)
Au Brésil, l’évaluation de la première intervention de l’AFD en faveur de la BDMG illustre comment l’Agence a accompagné un changement de culture au sein d’une banque publique de développement pour la prise en compte des enjeux climatiques. Cet appui a contribué à positionner la BDMG comme un bailleur de référence du développement durable au sein du secteur financier brésilien, à sensibiliser les municipalités, bénéficiaires de la banque, et à renforcer le dialogue entre la banque et les pouvoirs publics sur cette thématique.
Le soutien de l’AFD en faveur de BDMG avait en effet pour objectif de financer des projets de lutte contre le changement climatique développés par les municipalités de l’Etat du Minas Gerais et s’inscrivait en complémentarité et en continuité avec le dialogue précédemment initié par l’AFD avec l’État du Minas Gerais (EMG) dans le cadre d’un appui budgétaire d’accompagnement de la stratégie climat de l’État.
Même si le nombre total d’investissements octroyés et de municipalités touchées ont été légèrement en-deçà des objectifs, le soutien de l’AFD a contribué à initier une dynamique structurante pour la banque en matière de financement du développement durable et de dialogue de politique publique.
Accompagner un changement de culture
L’évaluation souligne tout d’abord que l’AFD a été le premier bailleur à introduire des exigences liées au développement durable dans son offre de financement. L’Assistance technique (AT) mise en place dans le cadre de l’appui de l’AFD a par ailleurs permis de sensibiliser les équipes sur la prise en compte de la dimension environnementale des projets à travers des outils concrets (introduction d’outils d’analyse de la dimension environnementale et sociale des projets, appui à la mise en place d’une politique de RSE interne, inventaire des émissions de gaz à effet de serre de la banque, etc.).
Bien qu’ayant eu des effets limités sur les capacités opérationnelles ou l’orientation sectorielle de la banque, ces appuis ont enclenché, selon les évaluateurs, un véritable changement de culture au sein de la banque. La BDMG a créé une équipe dédiée aux sujets sociaux et environnementaux. Parallèlement, la décision d’aligner les activités de la banque sur l’agenda ODD témoigne de l’évolution de sa stratégie. Si ces changements ne sont pas entièrement attribuables au partenariat avec l’AFD, l’analyse indique qu’ils sont l’aboutissement d’un processus dans lequel l’Agence a joué un rôle important.
sensibiliser et dialoguer
Certains volets du dispositif d’assistance technique (ateliers, formations ponctuelles de sensibilisation aux pratiques de développement durable et aux critères d’éligibilité pour accéder aux financements) ont permis de sensibiliser les municipalités bénéficiaires à la prise en compte des enjeux du développement durable dans leurs projets.
Par ailleurs, l’assistance technique a également favorisé le dialogue entre la banque et les pouvoirs publics. Il en a découlé des liens très opérationnels noués entre la BDMG et l’agence nationale environnementale (FEAM), tels que le développement d’un module de la Climas Gerais platform, le lancement conjoint des appels à projets auprès des municipalités, et des visites de terrain et séminaires animés ensemble.
Directeur de l’évaluation des résultats de développement des projets de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)
« La constitution de plateformes collaboratives sur la thématique des ODD est susceptible d’induire une harmonisation des indicateurs, des méthodologies et des approches de reporting. »
pour les banques
publiques de développement
Le suivi des résultats de l’ensemble des projets de l’AFD est un enjeu car l’Agence doit être en mesure d’apprécier les effets de ses interventions, pour en rendre compte et les améliorer.
La capitalisation réalisée sur 12 opérations en faveur de 6 Banques publiques de développement (BPD) montre que les objectifs de résultats quantitatifs initiaux (nombre de bénéficiaires finaux, volumes d’investissements financés, résultats développementaux, etc.) sont, d’après les informations recueillies par les évaluateurs, globalement atteints.
Au-delà de ces résultats, les évaluations mettent en évidence les effets positifs des interventions en matière de renforcement des capacités des partenaires, notamment sur les questions de développement durable. Ils ont été obtenus via des critères d’éligibilité spécifiques concernant les investissements à financer, des dispositifs d’accompagnement dédiés prenant la forme de formations, d’ateliers, d’outils, ou au travers d’exigences en matière environnementales et sociales.
Les freins existants
La plupart des évaluations soulignent toutefois les difficultés récurrentes à suivre, de manière fiable et pertinente, l’ensemble des résultats des interventions. L’une des raisons tient aux spécificités des projets en intermédiation financière. Ceux-ci impliquent, en effet, pour l’AFD de se reposer sur le partenaire financier, bénéficiaire direct – les BPD en l’occurrence –, pour suivre les résultats des projets financés in fine.
Ce double niveau de collecte (voire triple quand les BPD financent elles-mêmes des intermédiaires financiers) augmente les risques de manque de fiabilité des informations remontées (cf. infographie ci-contre). Les autres raisons identifiées tiennent aux limites des dispositifs de suivi mis en place dans le cadre des interventions de l’AFD et à la faiblesse de ceux de la plupart des banques évaluées.
Renforcer les dispositifs et les capacités
Afin de pallier ces difficultés, les évaluateurs ont proposé deux recommandations opérationnelles principales.
La première est relative au renforcement des dispositifs de suivi des interventions. Pour être plus pertinents, ils doivent pouvoir s’appuyer sur des indicateurs clairement définis dès le départ, en lien avec les objectifs à atteindre, et accompagnés d’une méthodologie adaptée pour les mesurer. L’établissement d’une situation de référence et de valeurs cibles est en outre indispensable pour évaluer les progrès réalisés. Par ailleurs, au sujet des impacts quantitatifs, l’AFD et les autres bailleurs gagneraient à renforcer et à harmoniser leurs pratiques, notamment en termes méthodologiques, pour mieux suivre les résultats de leurs interventions sur des thématiques telles que le climat ou les Objectifs de développement durable (ODD).
La deuxième concerne le renforcement des capacités des BPD à mesurer les résultats de la mise en œuvre de leur mandat de développement. Les exigences de l’AFD en matière de suivi de ces interventions doivent être adaptées aux capacités internes des partenaires (à la fois banques et porteurs de projet) qui, quand cela s’avère nécessaire, devraient pouvoir bénéficier d’un appui technique dédié.
Les difficultés de suivi des résultats ne sont pas une spécificité des projets en faveur des BPD, ni des projets de l’AFD en général, puisque ce constat est relevé dans beaucoup d’autres évaluations et qu’il est partagé par l’ensemble des bailleurs de fonds. Il revêt toutefois une importance particulière dans le cadre des projets en faveur des BPD dans la mesure où, partenaires de l’AFD sur l’atteinte des ODD, elles sont également des acteurs du développement, qui doivent rendre compte de leurs actions et de leurs performances.
Ceci encourage à développer les échanges entre BPD autour des outils de suivi, non seulement dans une démarche de redevabilité mais également pour développer leur utilisation dans une perspective de capitalisation, d’amélioration des interventions et d’aide à la décision.
Crédits photos
Ouverture et Enjeux du suivi des résultats et des impacts : © Emmanuelle Andrianjafy / AFD
Focus BDMG Brésil : © Ollivier Girard / AFD
Interview : © Florent Banissa
Directeur de l’évaluation des résultats de développement des projets de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)
Quelle place et quel rôle a actuellement l’évaluation au sein de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) ?
L’évaluation occupe une place importante à la BOAD. C’est l’un des socles de notre Plan stratégique. Les moyens ont été renforcés depuis 10 ans pour permettre l’appréciation systématique et objective de la conception, de la mise en œuvre et des résultats de développement des projets en cours ou achevés.
L’évaluation joue deux rôles majeurs en matière de redevabilité et de capitalisation.
Pour renforcer la redevabilité, la Banque a conduit récemment une vingtaine d’évaluations dont les rapports ont fait l’objet de saisine de notre conseil d’administration et d’une diffusion auprès de ses partenaires et du grand public à travers plusieurs canaux (site web, atelier, etc.).
Parallèlement, plusieurs réunions de capitalisation avec les directions impliquées dans le cycle du projet ont permis de renforcer l’appropriation des enseignements des évaluations et de souligner que plus de la moitié des recommandations formulées dans les évaluations est mise en œuvre.
Quels sont les enjeux et les défis en matière de suivi et d’impact pour une banque comme la BOAD ?
Deux enjeux peuvent être cités, à savoir mettre en exergue l’efficacité des projets financés par la BOAD et identifier les leviers pour améliorer cette efficacité. Les défis liés à ces enjeux sont doubles. D’une part, il existe un faible ancrage de la culture évaluative chez certains de nos partenaires et la BOAD a observé que les systèmes de suivi-évaluation des impacts sont institutionnalisés de façon hétérogène. De ce fait, les outils de planification et de mise en œuvre de ces activités sont quelquefois limités. C’est dans ce contexte que nous mettons un point d’honneur à accompagner les projets à travers le renforcement des capacités et la mise à disposition de ressources financières pour les activités de suivi-évaluation.
D’autre part, la COVID-19 et l’insécurité dans certaines zones de projets ne permettent pas une collecte optimale des données permettant d’évaluer les impacts. Cette situation nous a conduit à utiliser des plateformes de collecte des données à distance comme Kobo Toolbox, mais également à explorer les apports des images satellitaires.
Nous espérons notamment que le partenariat avec l’AFD permettra d’introduire et de financer d’autres formes d’évaluations des impacts.
Comment les banques de développement pourraient collaborer pour améliorer la prise en compte et le suivi des Objectifs de Développement Durable (ODD) dans les projets qu’elles financent ?
L’un des leviers potentiels pourrait être la constitution de plateformes collaboratives sur la thématique des ODD susceptible d’induire une harmonisation des indicateurs, des méthodologies (détermination d’une situation de référence avant le démarrage du projet, suivi-évaluation durant l’exécution des opérations, évaluations rétrospectives) et des approches de reporting. En outre, des synergies d’actions pourraient ainsi émerger pour le renforcement de capacités et la conduite d’évaluations conjointes.